Médias

           

«Elle me trompait, ça me montait à la tête»

Par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI

 

«Sous aucun prétexte dans notre société, un homme n'a le droit de frapper une femme.»

Le procureur, qui a requis dix-huit mois ferme

            Le jeudi 27 mai 1999 Joey Starr à son arrivée au Palais de Justice de Bobigny  
           

Hier, devant le tribunal correctionnel de Bobigny, Joey Starr a fait profil bas. La voix rauque et caillouteuse, le chanteur de NTM comparaissait pour «coups et blessures ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours» sur la personne de son ancienne compagne, Jennifer Galin. Avant le début de l'audience, les caméras s'entrechoquaient, venues guetter le nouveau faux pas du rappeur qui accumule déjà six condamnations - pour outrages, rébellion, détention d'armes, violences... Le dernier épisode en date lui a valu deux mois ferme: c'était à Montpellier cet hiver, où il avait agressé une hôtesse de l'air dans un hôtel. Séparation à rebondissements. Ici, les choses sont plus intimes. Joey et Jennifer se connaissent depuis quinze ans; leurs familles, originaires des Antilles, habitent la Seine-Saint-Denis. Ancienne mannequin, Jennifer Galin est une grande tige élégamment habillée, qui devint la compagne de Didier Morville (alias Joey Starr) voici cinq ans. Une relation hachée, violente, faite «d'enfermement hystérique, de comportements sado-maso», selon l'avocat du rappeur, une relation où l'on se quitte et l'on se rabiboche illico. Le 31 janvier 1999, pourtant, la séparation semble consommée. Jennifer a pris du champ et de l'assurance, puisqu'elle s'occupe des intérêts de Beedjy, une jeune artiste de rap mélodique qui gravite dans la sphère de NTM. Ce soir-là, Jennifer rend visite à Joey dans son pavillon de Saint-Ouen. Le différend? On n'en saura pas grand-chose. Lui parle d'infidélités. Avant, ça lui était déjà arrivé, de la battre «parce qu'elle me trompait; ça me montait à la tête». Très calme et à l'aise dans son jean XXL, Joey Starr reconnaît du bout des lèvres avoir lancé «deux vraies gifles». Pourtant, quand elle porta plainte trois semaines plus tard, Jennifer Galin présenta des certificats médicaux chargés: fractures du nez, hématomes sur tout le corps, éclats de verre dans les seins - blessures qui lui valurent plusieurs opérations chirurgicales. «Hystérique». Face à un tribunal (majoritairement féminin) assez perplexe, Joey Starr essaie d'expliquer sa version, comme quoi «elle brisait des carreaux, lançait des meubles, voulait tout casser». Les ecchymoses? Sûrement dues à sa tentative, à lui, pour la maîtriser. «Je l'ai ceinturée, jetée à terre plusieurs fois; ça a duré un petit moment avant qu'elle se calme.» A côté de lui dans la salle d'audience, Jennifer Galin ne cesse de secouer la tête. Elle parle de coups de poing, de sang dans cette pièce en plein chambard. Joey Starr, qui emploie souvent le qualificatif d'«hystérique» pour décrire son ancienne compagne, infirme: «Elle ne saignait pas vraiment. Et si elle avait eu le nez cassé, je l'aurais vu.» Ce soir-là, selon Jennifer, la scène a duré longtemps. Alertés par une voisine allergique aux incartades de Joey, les policiers vont même passer, sans verbaliser. «J'avais trop peur qu'il recommence. J'attendais qu'il se calme», dit Jennifer. Après ça, l'action en justice débute et le couple dégringole: chacun fait une tentative de suicide, le chanteur est suivi pour dépression. «Se dégager de la violence.» Ne présentant, selon l'expert psychiatre, aucune pathologie mentale, Joey Starr trouve via la musique «un moyen de se dégager de la violence qu'il porte en lui». Son avocat Jean-Yves Le Borgne creuse le sillon, parlant de «carence intérieure, de difficulté d'être». Plaidant la clémence, il évoque un père irascible, une mère retrouvée tardivement, ce qui mène à ce «monde du déséquilibre, dont on ne peut pas tout comprendre». Avant cela, Karim Achaoui, l'avocat de Jennifer Galin, a demandé la désignation d'un expert, si condamnation il y a, pour faire le point sur l'état de santé de sa cliente. Le procureur, qui requiert 3 ans de prison dont 18 mois ferme, s'est livré à un exposé didactique: «Sous aucun prétexte dans notre société, un homme n'a le droit de frapper une femme.» Présent dans la salle avec nombre d'amis, Kool Shen, l'alter ego de Joey Starr au sein du groupe, l'a congratulé au sortir de l'audience. Pour l'instant, NTM a suspendu tous ses concerts d'été. Jugement le 16 juin.